Mme ZHANG Yingxuan, née en 1975 à Dalian en Chine, est diplômée de l’Université des Langues étrangères de Pékin, où elle a obtenu une licence en langue française (1998), une maîtrise en littérature française (2001) et un doctorat en co-tutelle avec l’Université Paris IV dans le domaine de la littérature contemporaine et de la rhétorique du romantisme (2008). Depuis 2017, le docteur Zhang est co-directrice de l’Institut Confucius de Liège qu’elle anime de nouvelles méthodes d’apprentissage du mandarin, et de beaucoup d’amour pour les lettres belges et la littérature chinoise.
LHCH a eu la chance d’interviewer en vision-conférence Mme Zhang, aussi brillante intellectuellement qu’agréable et ouverte d’esprit.
LHCH: Comment devient-on professeure ou co-directrice, dans votre cas, d’un Institut Confucius au départ de la Chine ?
ZHANG Yingxuan: Par un concours, comme toujours chez nous.
LHCH: Pourquoi ce choix de la Belgique ?
ZHANG: Mon université des Langues Étrangères à Pékin, « Bei Wai », n’a pas encore créé de connexion avec les universités en France, donc je suis venue à Liège qui est très attachée à la langue et à la culture évidemment francophones, mais aussi spécifiquement françaises.
LHCH: Personnellement c’est grâce à l’institut Confucius de Bruxelles, à Schaerbeek, que j’ai pu me rendre à une « université d’été » à Bei Wei, Beijing, en 2011 !
ZHANG Yingxuan: Oui. Mais à Bruxelles, on parle aussi en anglais, pas seulement en français.
LHCH: Comment s’est passée votre installation à Liège ? Pas trop de dépaysement ?
ZHANG: J’avais déjà passé plusieurs années en France car je suis diplômée de Paris IV à la Sorbonne dans le cadre de mon doctorat.
LHCH: Impressionnant ! Alors comment avez-vous senti la différence entre les Belges wallons et les Français ?
ZHANG: Les Liégeois sont très accueillants, très chaleureux. A Paris, à part mes ami.e.s, j’ai trouvé les Français un peu « distants » et très fiers d’eux-mêmes (rires). Sans doute, est-ce lié à la diversité de cultures qui existent en Belgique depuis longtemps. Ici, on est très ouverts. Ah oui les Belges sont assez ponctuels aussi.
LHCH: Savez-vous qu’à Liège ils aiment fêter le 14 juillet ?
ZHANG: Ah non, c’est amusant !
LHCH: Que disent vos amis chinois de votre vie ici ?
ZHANG: Même si la Belgique est un petit pays, elle a une excellente réputation de qualité pour ses bières et ses chocolats. On peut les dénicher sur tous les sites de e-commerce en Chine !
LHCH : Quels sont les profils d’étudiants à Confucius Liège ?
ZHANG: Nous donnons des cours dans l’enseignement secondaire en 1ère et 2ème année. Nous avons aussi des étudiants universitaires de HEC ou de l’Université Libre de Liège. Enfin, nous avons aussi des étudiants adultes qui suivent les cours en soirée.
LHCH: En tant que co-directrice donnez-vous aussi des cours de chinois ?
ZHANG : Oui je donne les cours de niveau avancé, c’est-à-dire pour les élèves qui ont atteint le HSK3.
LHCH: On disait avant que l’enseignement du chinois dans les Instituts Confucius était assez académique, éloigné de la pratique courante des Chinois. Je parle d’il y a dix ans et de mon expérience personnelle. Cela a-t-il changé ?
ZHANG : Nous insistons sur les fondements essentiels de la langue chinoise à connaître avant tout, en effet. Mais, aujourd’hui, une part plus importante est donnée à la pratique à travers des vidéos, des films, des émissions, etc. De cette manière la grammaire et le vocabulaire sont contextualisés pour être mieux compris. Il est question d’organiser des « Tables de conversation ». J’ai vécu aussi cette différence entre mon français « académique » et le français parlé par les étudiants de la Sorbonne, à Paris. Il faut s’adapter en dialoguant, en échangeant avec les personnes dont le français est la langue maternelle, bien sûr.
LHCH: Rien ne vaut le bain de language en Chine, alors ?
ZHANG: Absolument. Nous voulons, à cet effet, encourager nos étudiants à passer 6 mois ou 1 an à l’Université des Langues Étrangères, à Pékin. Chaque année, nous aidons au moins 2 boursiers !
LHCH: « Bei Wai » est une université extraordinaire, installée dans un quartier très vivant et typique de la capitale. Même les étudiants qui n’ont fait qu’un mois d’université d’été reviennent ravis !
ZHANG: Oui, c’est une université très grande et très ouverte sur le monde !
LHCH: Confucius a changé mais aussi les niveaux de HSK, « Hanyu Shuiping Kao Shi », un peu le TOEFEL chinois, mais en plus poussé.
ZHANG: Oui, il y a plus de niveaux, en effet. Mais il n’y a qu’à partir de HSK 3 qu’il y a des différences. Le nouveau HSK va jusqu’à 9 alors que l’ancien plafonnait à 6 niveaux. Le nombre de mots à connaître au total passe de 5000 à 11000. Le niveau 8 ou 9 une fois atteint, vous permet de devenir un interprète en langue chinoise.
LHCH: Le niveau d’exigence ne fait que croître en Chine à l’inverse de l’Europe, malheureusement. Donc, à Institut Confucius de Liège, il y a les niveaux débutant, intermédiaire et avancé ?
ZHANG: Oui, essentiellement de HSK1 à HSK 3-4.
LHCH: Malgré les milliers de cours sur YouTube aujourd’hui’, l’Institut Confucius reste-t-il encore la référence ?
ZHANG: Je le crois profondément, car les étudiants aiment avant tout la présence des professeurs et autres élèves en classe. De plus, ceux-ci sont tous diplômés des universités chinoises. Bien sûr, avec la COVID, on a dû adapter nos cours en visio-conférences.
LHCH: Que planifiez-vous pour faire connaître votre institut en Wallonie ?
ZHANG: Nous jouissons déjà d’une belle réputation grâce à nos anciens élèves qui parlent beaucoup de nous. Mais nous organisons aussi chaque année des Portes Ouvertes, des concerts pour le Nouvel An chinois, des rencontres universitaires car nous sommes rattachés à la faculté de Philosophie et Lettres de l’ULG à travers le partenariat exclusif avec « Bei Wai ».
LHCH: Qu’allez-vous organiser dans le cadre des 50 ans des relations diplomatiques Belgique-Chine, cette année 2021?
ZHANG : Nous allons organiser un grand concert « virtuel » sur le net avec des musiciens du Conservatoire Royal de Liège et des musiciens chinois. Nous réaliserons les montages vidéos de leurs prestations. Mon désir est que les Chinois connaissent mieux la musique savante belge. Par exemple, l’oeuvre d’André Grétry. On va organiser aussi un colloque sur les théâtre chinois et belge du début du XXème siècle. Par exemple, comparer l’oeuvre de Laoshe et l’oeuvre de Verhaeren. Enfin, j’écris des articles en chinois sur les écrivains belges que j’aimerais faire connaître en Chine.